Mon enfance n'a été qu'un ténébreux orage traversé ça et là par de brillants soleils
Charles Baudelaire
Charles Baudelaire
Alors que je suis à l'automne de ma vie, témoigner je le sais, m'occupera jusqu'à mon dernier jour.
Témoigner apaise ma douleur, m'aide à la tenir à sa juste place, avec des mots je lui donne ainsi un sens.
Mais que de temps passé pour que je comprenne, qu'avant de me risquer à parler, il fallait d'abord que je me demande si l'autre avait le possible d'entendre.
"aucune histoire n'est innocente, raconter c'est se mettre en danger, se taire c'est s'isoler" B. Cyrulnik
Mes blessures d'enfance ont eu de nombreuses conséquences tout au long de ma vie.
Brièvement, que faut-il savoir : c'est que les violences survenues dans l'enfance sont associées à des niveaux importants de dissociation. Plus les évènements traumatiques sont graves, plus la victime est un enfant jeune, plus les amnésies traumatiques sont fréquentes. Ces amnésies traumatiques peuvent durer des décennies. Toutes les études montrent également que les souvenirs retrouvés sont fiables et qu'ils réapparaissaient souvent brutalement et de façon non contrôlée dans la vie de la personne. le mécanisme de ces amnésies traumatiques est avant tout un mécanisme dissociatif de sauvegarde que le cerveau déclenche pour se protéger de la terreur et du stress extrême générés par les violences. la dissociation est donc un mécanisme de survie qui permet à la victime de ne pas ressentir stress et terreur en permanence, ce qui représenterait un risque vital, mais elle ne protège pas du psycho-traumatisme. Au contraire, celui-ci se chronicise et s'aggrave si d'autres violences sont subies. En quelque sorte la plaie reste ouverte, mais avec l'anesthésie elle semble "cicatrisée". le fait d'être anesthésiée et de ne plus avoir d'alarme expose d'autant plus la victime à des dangers, à de nouveaux traumas dans des relations où elle n'aura pas la possibilité de se défendre. |
Personnellement, j'ai occulté pendant plus de 50 ans des pans entiers de mon enfance, cela me laissait une impression douloureuse d'être sans passé ni repères. Jusqu'à ce jour d'avril où j'ai été victime d'une agression...Face à la violence de cet acte, ma vie a basculé.
Tout c'est écroulé, en moi, et autour de moi, les souvenirs éprouvants du passé me sont alors revenus de manière brutale, chaotique. Ils n'étaient pas polis par le temps et m'ont fait revivre la même détresse, les mêmes sensations vécues dans l'enfance.
La réappropriation des souvenirs est longue et douloureuse. Elle m'entraîna dans une phase de grande vulnérabilité, une hospitalisation. Merci, merci aux soignants pour les soins et l'accompagnement que j'ai reçu... Liliane
Reconnaissance Berne, août 2019 L'Office fédéral de la justice déclara officiellement que j'avais la qualité de victime au sens de la loi fédérale sur les mesures de coercition à des fins d'assistance. Les autorités ont reconnu que j'avais subi lors de mon enfance et adolescence, des injustices et des souffrances qui ont eu des conséquences tout au long de ma vie. |
Extrait courrier... de M. Luzius Mader, Délégué aux victimes de mesures de coercition à des fins d'assistance Berne avril 2014
Madame,
…faire la lumière sur son passé demande beaucoup de courage. Vous le dites, et beaucoup d'autres victimes le confirment, la blessure provenant de votre enfance est profonde et difficile, voire même impossible à guérir. Malgré cela, vous semblez avoir réalisé un travail personnel important, vous permettant de reconnaître les circonstances dans lesquelles il est difficile de vous protéger. Il s'agit d'un travail remarquable, beaucoup de personnes n'y arrivent pas. Par ailleurs, le fait que vous luttiez contre l'indifférence non par la colère et le ressentiment est admirable. Nous sommes certains qu'il s'agit de la voie la plus saine.
Nous sommes heureux d'avoir pu contribuer un tant soit peu à alléger votre fardeau, notamment en sensibilisant les archives. Mais ce dont nous sommes le plus fier, c'est que les victimes osent enfin témoigner…
Extrait courrier... de Madame Simonetta Sommaruga, Conseillère fédérale Berne avril 2013
madame,
… je me réjouis que vous ayez pu participer à la cérémonie de commémoration pour les victimes de mesures de coercition à des fins d'assistance. Vos remerciements et vos mots d'espoir m'ont touchée.
Vous avez enduré une grande souffrance durant votre jeunesse. Je sais bien qu'on ne peut pas défaire ce qui a été fait. Des excuses ne permettent pas d'oublier le passé. Cette cérémonie de commémoration n'est dès lors pas pour moi une fin en soi. : elle doit marquer le début d'un travail de mémoire approfondi sur ce thème…